Ton actu

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dimanche 23 novembre 2014

Serait-ce la fin du capitalisme ? L'économie de partage selon Jeremy Rifkin

« Nous assistons aujourd’hui à la fin du capitalisme. » Cette annonce surprend évidemment : alors que l’on nous enseigne que le modèle capitaliste serait le seul viable depuis l’échec du communisme, certains économistes cherchent à démontrer qu’une troisième voie existe. Ne serait-ce donc pas « la fin de l’histoire » décrite par Fukuyama* ? 

Selon Jeremy Rifkin, le monde capitaliste serait en train de basculer vers une économie de partage. Elle serait fondée sur l’intérêt de la communauté plutôt que sur la seule satisfaction des désirs individuels. Internet nous a fait entrer dans une troisième révolution industrielle qui rendrait ce renversement possible. 
Une utopie me direz-vous ? Pour Jeremy Rifkin, c’est déjà une réalité.

·      Economiste américain, Rifkin est président de la Foundation on Economic Trends qui
réalise des travaux d’anticipation sur des questions économiques, sociales et environnementales depuis la fin des années 70. Il a notamment publié La Troisième Révolution Industrielle en 2012 et La Nouvelle Société du coût marginal zéro cette année. Il explique dans ce livre les fondements de l’économie du partage. Pour mieux saisir les enjeux de sa thèse, il est nécessaire de comprendre ce titre.
Premièrement, d’où vient cette nouvelle société ? Rifkin estime que de nombreux jeunes diplômés souhaiteraient devenir des entrepreneurs sociaux. Leurs entreprises se baseraient sur deux logiques, d’abord la rentabilité à tout prix qui régie aujourd’hui notre société mais aussi une philosophie à but non lucratif plus étonnante. Il parle donc de « communauté collaborative », c’est-à-dire une économie dans laquelle l’usage l’emporte sur la propriété et où les échanges se font directement entre les usagers.

·      Ensuite comment réaliser ce coût marginal zéro ? Rappelons d’abord que le coût
marginal correspond au coût de production d’un bien ou service supplémentaire diminué des coûts fixes. Par exemple, pour produire une table de plus, une entreprise devra financer les pieds et la planche (coûts moyens) mais sans repayer les coûts relatifs aux locaux ou à l’électricité (coûts fixes).  Notre économiste s’enthousiasme du fait qu’il peut réduire ce coût marginal jusqu’à atteindre presque « zéro » grâce à la révolution technologique.
Pour rendre cette idée concrète, nous pouvons prendre un exemple que nous connaissons tous : youtube. Force est de constater que chacun d’entre nous peut poster des vidéos gratuitement et les faire partager à d’autres grâce à internet. Les Moocs illustrent également ce phénomène. Depuis 2012, six millions d’étudiants suivent gratuitement des cours en ligne issus des meilleures universités du monde alors que d’autres déboursent des milliers de dollars. A l’évidence, notre société est en train de changer.

·      D’autre part, Rikfin s’appuie également sur deux principes révolutionnaires :
l’internet des objets et celui de l’énergie. En 2030, environ cent trillions de capteur connecteront tout. Si bien qu’un gigantesque réseau intelligent reliera l’ensemble des machines, domiciles et véhicules, c’est l’internet des objets.
De ce fait, chacun pourra accéder à ce réseau à travers tous les continents, soit pour acheter de l’énergie, soit pour revendre les surplus qu’on aura nous même produit grâce aux panneaux solaires, éoliennes et futures innovations. A l’aune de cette révolution, nous échangerons de l’énergie aussi aisément que nous le faisons actuellement pour l’information, il s’agit de l’internet de l’énergie.

·      Cependant, la condition sine qua non pour que l’économie de partage fonctionne est
que personne ne privatise le web. Il faut que l’organisation collective veille à laisser un accès libre à l’internet des objets, sinon tout ce système s’effondre.

·      La question du développement durable apparait en filigrane. Tout d’abord, produire
à un coût marginal proche de zéro signifie faire usage de très peu de ressources. De plus, le partage dans une économie circulaire de vêtements ou de voitures par exemple diminue notre empreinte écologique*. Rifkin avance que pour chaque voiture partagée, 15 seraient éliminées. Donc en administrant efficacement le partage de véhicule, nous pourrions diminuer de 80 % leur nombre. En outre, sa foi inébranlable dans le progrès technique le conduit à considérer que l’usage d’une énergie non polluante, gratuite et renouvelable sera possible.

A l’évidence, les thèses radicales de Rifkin ont souvent été critiquées. Le professeur Jean Gadrey émet deux principales objections. La première soulève un point non négligeable, il ne faut pas compter sur des miracles technologiques incertains. Les coûts marginaux zéro reposent sur des nouvelles technologies intelligentes qui nécessitent d’être améliorées. Ensuite, elles bénéficient d’énergies renouvelables qu’il faut trouver.
De surcroît, si le progrès technique aboutit comme l’espère Rifkin, les machines et robots intelligents vont remplacer le travail humain. Notre économiste répond en avançant qu’à court terme, des millions d’ingénieurs, architectes, ouvriers seront embauchées car l’économie collaborative nécessite de nombreuses installations. Mais après trente ans, tous les objets du quotidien seront automatisés. Il faudra donc réinventer le travail. In fine, c’est ce que Keynes appelait le chômage technologique, celui causé par le progrès technique qui réduit la demande de main d’œuvre alors que la découverte d’emploi s’avère un peu plus lente.
« Mais il n’y a là qu’un état temporaire de réadaptation. Tout ceci signifie, en fin de compte, que l’humanité est en train de résoudre le problème économique. »


Fukuyama :
Economiste et philosophe américain, il développe ses thèses dans un livre controversé publié en 1992 La Fin de l'Histoire et le dernier homme. Il défend le principe que  l'histoire humaine peut être envisagée comme un combat entre des idéologies. Elle touche donc à sa fin avec le consensus de la démocratie libérale qui semble suivre la guerre froide. C’est donc bien la victoire du capitalisme !

Empreinte écologie :
Surface nécessaire pour produire ce qui est consommé par une population et pour absorber les gaz à effet de serre engendrés.


Nina J.

L'Etat Islamique: un fléau multiforme

         Alors qu’on apprenait, mercredi 19 novembre, qu’un deuxième français avait été identifié  dans une vidéo de l’Etat Islamique mettant en scène l’exécution d’otages, nous avons voulu revenir sur l’actualité au Moyen-Orient. C’est ce sujet brûlant qui occupe l’actualité internationale mais aussi nationale, soulevant le problème de radicalisation.

Un conflit violent qui mobilise la communauté internationale
Le succès des offensives des combattants de l’Etat islamique leur a permis de s’implanter sur un large territoire que le 29 juin dernier, le chef djhadiste Abou Bakr al-Baghdadi,  a proclamé comme son « califat ». L’organisation s’est vue gonflée de combattants sunnites et de plusieurs groupes islamistes issus du front al-Nosra ou même de l’Armée Syrienne Libre. Fort de ces ralliements, le groupe a pris le contrôle de Mossoul au nord de l’Irak et a avancé vers l’Ouest et la Syrie jusqu’à la frontière turque depuis le printemps. Ses conquêtes lui ont permis d’accumuler un trésor de guerre d’un demi-milliard de dollars grâce à la contrebande du pétrole et le pillage des villages occupés. C’est ce qui en fait aujourd’hui « le groupe terroriste le plus puissant du monde, en terme d’armes et de financement ».  
Une coalition internationale de plus de 40 pays s’est mobilisée pour apporter son soutien militaire, financier et humanitaire à l’Irak et à son armée en déroute. Cependant aucune puissance n’a envoyé de troupes au sol, la mobilisation est principalement aérienne. En effet, la France opère à partir de ses bases au Moyen Orient depuis septembre, en parallèle le Canada, le Royaume Uni et plusieurs pays arabes (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis,etc.) ont aussi octroyé des aides. Enfin, les Etats-Unis agissent directement sur le terrain. La semaine dernière, Barack Obama a annoncé l’envoi de 1 500 conseillers militaires supplémentaires, portant à 3 100 hommes le contingent américain.  La communauté internationale a pourtant du mal à porter un coup décisif à Daech dont la puissance reste incontestée. L’enjeu majeur réside aujourd’hui dans l’affaiblissement de ses moyens de ravitaillement et notamment son accès au pétrole. Les troupes irakiennes ont d’ailleurs annoncé, le 14 novembre, avoir repris le contrôle de la ville de Baïji située près de la plus grande raffinerie d’Irak.

Un conflit médiatique qui pose des questions sociales

L’Etat Islamique, plus qu’un groupe djihadiste, est devenu une institution, une marque qui rallie des organisations terroristes au-delà de ses frontières irako-syriennes jusqu’au Yémen et au Maghreb. Aujourd’hui, les médias occidentaux et les politiques utilisent différents noms pour qualifier cette organisation qui mobilise à travers le monde.  D’abord baptisée  « Etat islamique en Irak et Au Levant » (EIIL ou ISIS en anglais), les politiques français ont ensuite  choisi de nommer l’organisation de son nom arabe « Daech ». Cela permet de retirer la notion d’ « Etat », puisqu’il n’est bien sûr pas reconnu en tant que tel. Ce débat autour de dénomination de l’ « ennemi » reflète la dimension médiatique qu’a prise la situation au Moyen-Orient. 
Effectivement, Daech cultive sa communication. Présente sur internet et les réseaux sociaux, ces canaux lui sont utiles  pour enrôler  des combattants partout dans le monde grâce à une stratégie de propagande. En témoigne la publication, le 28 octobre dernier, d’une vidéo mettant en scène le journaliste britannique John Cantile, enlevé en 2012, progressant librement au milieu des ruines et vantant la victoire de l’EI à Kobané (ville kurde à la frontière turque). Les autorités occidentales pensent qu’il a conduit ce reportage ultra-réaliste sous la menace. Ainsi l’Etat Islamique met tout en œuvre pour manipuler les esprits, et cela fonctionne !  Dans la dernière vidéo d’exécution de soldats syriens et de l’otage américain Peter Kassig, les services de renseignements ont pu reconnaître un jeune français de 22 ans, Maxime Hauchard, un jeune normand sans histoire. Ces phénomènes de radicalisations inquiètent l’Occident, qui voit le terrorisme s’importer dans sa société, incapable de réagir. Finalement, L’EIIL, Etat Islamique ou Daech, quel que soit son nom, remplit ses objectifs : s’étendre au Moyen-Orient et déstabiliser l’Occident.  

Pauline T.