Tout
d’abord, quels sont les critères qui définissent un réfugié ?
Selon la convention de Genève de 1951, est considéré comme un
réfugié tout individu « craignant avec raison d’être persécutée du fait de
sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont il a
la nationalité ». Il existe ainsi 16
millions de réfugiés stricto sensu, c’est-à dire ayant traversé une
frontière, 30 millions de réfugiés
internes, déplacés au sein de leur propre pays, et 26 millions de réfugiés climatiques. In fine, nous pouvons relever quatre
principales raisons qui expliquent ces déplacements : les guerres, les régimes autoritaires, les famines et les catastrophes
naturelles.
Comment
les réfugiés sont-ils accueillis à l’étranger ?
L’objectif officiel de « contrôle des flux migratoires »
cache une réalité plus sombre. Il existe en effet 450 camps de réfugiés reconnus dans le monde. En outre, les camps
de déplacés internes sont au nombre d’un
millier. Les politiques migratoires mettent à l’écart les populations
jugées indésirables. Tels des criminels, les réfugiés sont exclus de la société.
De la même manière que les prisons, ces lieux d’expulsions spécialisés réduisent
les possibilités d’intégration. Ahmed Ali, un Erythréen patientant à Calais
explique : « Nous ne sommes pas des criminels. Nous n’avons rien fait sauf
quitter notre pays. Quand le soleil se couche, les ténèbres envahissent
tout : mon pays vit dans les ténèbres en permanence. » Par
ailleurs, à la fermeture d’un camp, que deviennent ces réfugiés ? Par
exemple ceux de la place Sainte-Anne à Port-au-Prince, expulsés de force quand
les autorités ont décidé de rénover le centre-ville ?
A savoir : Le plus grand camp au monde
se trouve au Kenya à Dadaab.
Il accueille plus de 450 000 réfugiés,
ce qui correspond à la taille d’une ville comme Lyon.
Non seulement la légitimité de ces lieux d’enfermement est
contestable, mais les effets dissuasifs escomptés se révèlent illusoires. Ce ne
sont pas ces politiques qui déterminent la décision des migrants, mais leur
situation d’origine. Par ailleurs au fil
du temps, les camps deviennent de véritables villes fermées sur elles-mêmes. La
vie s’y organise, comme en Palestine où les camps existent depuis plus de
soixante ans. «
L'homme est une ordure, il s'habitue à tout »
pour citer
l’écrivain russe Dostoïevski.
Alors que la
notion de réfugié établit un état d’urgence porté par l’espoir d’un avenir
meilleur, une vie passée dans un camp révèle davantage la candeur de cette
illusion.
[ L’histoire de Robiel ]
Intéressons-nous à l’histoire de Robiel Habtom*, un jeune homme de
25 ans ayant fuit la dictature qui règne en Erythrée. Orphelin de père, sans
ressources mais éduqué, il tente d’échapper à la conscription obligatoire qui
le ferait rentrer définitivement dans l’armée. Pour cela, il fuit son pays et
essaie de rejoindre sa famille dans un camp au Soudan. Il y parvient, après une
première tentative l’ayant conduit à deux ans de prison. Là-bas, c’est le coup
de foudre. La tête pleine de rêves, Robiel décide de se rendre en Italie pour
commencer ses études et fonder une famille. Il ne se doute pas du triste sort
que lui réserve l’Histoire.
Le jeune homme paie des sommes considérables pour un périple
partagé avec 200 autres migrants. Ils sont serrés à l’intérieur de camions puis
de bateaux, sans nourriture et possibilité de dormir. Mais ce n’est rien
comparé à la Lybie où de nouveau emprisonné, il a été soumis à la torture. Une
fois arrivé en Italie, il est recueilli chez sa tante qui le décrit comme « un
jeune homme de 25 ans tout ce qu’il y a de plus normal. Plein de rêves. ».
Malheureusement, il ne trouve pas de travail et se rend dans ce que l’on appelle
la jungle de Calais pour rejoindre la Grande-Bretagne*. Un soir, il se jette
dans la mer glacée pour atteindre le ferry qui lui permettrait de réaliser son
rêve. Mais au bout de vingt minutes de lutte silencieuse, Robiel et ses espoirs
sont emportés au fond des flots.
Que
retenir de cet exemple ?
« Seule la célébrité peut éventuellement fournir la réponse à l’éternelle complainte des réfugiés » Hannah Arendt
Robiel a connu une mort tragique et absurde comme beaucoup
d’autres migrants, et pourtant nous ne savons généralement rien de leur histoire. Face à eux nous ressentons la défaite, la tragédie. Celles des
sociétés, celle de tant de vies humaines gâchées. Il faut oser regarder ces
réfugiés droit dans les yeux, si ce n’est droit dans leurs cœurs. La pire réaction est l’indifférence. Il
est important de connaitre la vérité sur ces camps et de suivre leur devenir. Presque 70 ans après la seconde
guerre mondiale, de nouveaux camps entourés de barbelés se banalisent. Les
internés ne sont pas seulement privés de leur liberté de mouvement mais aussi
de leur dignité, de l’accès aux soins ou encore du droit de vivre avec leur
famille.
Le 8 juillet
2013, le Pape François s’exprimait à Lampedusa :
« La culture du bien-être nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais qui ne sont rien. Elles sont l’illusion de la futilité, du provisoire, qui mène à l’indifférence, plus encore, à la mondialisation de l’indifférence. »
A l’aune de cette indifférence, il faut souligner l’action de la
communauté internationale. Un camp
suppose la mobilisation : le
HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies) missionne 575 ONG dans le monde pour participer à la gestion des
camps. 11 ,7 millions d’individus sont placés sous sa protection. Tout en reconnaissant que les contrôles aux
frontières sont essentiels pour combattre la criminalité internationale, le HCR
souligne la nécessité de réglementation afin que ces contrôles n'amènent pas au
renvoi de réfugiés qui menaceraient leur liberté ou leur vie. L’UNRWA une autre agence de
l’ONU, s’occupe spécifiquement de 5 millions de réfugiés palestiniens. De
surcroît, la campagne « Open Access Now » a publié en octobre 2014 un
livret pour faire connaitre la réalité de l’enfermement de cet « espace de
liberté, sécurité et justice ». Somme toute, la question de ces protégés
est avant tout un enjeu politique et humanitaire mais également un enjeu moral.
Chaque
réfugié est un homme avec son histoire et l’avenir qu’il tente de se dessiner.
Le silence est leur ennemi. Témoigner de leur terrible expérience leur permet
de ne pas être effacés tout simplement de
notre monde.
« Pour que notre monde ne compte aucun trou noir de l’Histoire, aucun endroit où les hommes disparaissent sans que l’on sache qui ils étaient, quels visages ils avaient, et quelle était leur histoire. » Laurent Gaudé*
Pour en
savoir plus :
*Courrier
International Cinquante murs à abattre n° 1253
*On estime
aujourd’hui la présence de 2000 migrants « installés » dans des camps
de fortune à Calais (Nord de la France). C’est 50 % de plus que l’an passé. Les
migrants principalement originaires de l’Afrique subsaharienne tentent de
rejoindre la Grande-Bretagne attirés par les conditions d’accueil plus
favorables.
*Laurent
Gaudé : écrivain français, il a
obtenu le prix Goncourt des lycéens avec La Mort du Roi Tsongor en 2002. En 2004, il est lauréat
du prix Goncourt pour son roman Le Soleil des
Scorta. Il publie en 2006 Eldorado qui évoque
Lampedusa et le sort des migrants africains.
D’où
viennent les réfugiés ?
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Où
vont-ils ?
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Afghanistan,
Syrie, Somalie
à plus de
la moitié des réfugiés de la planète viennent de l’un de ces trois pays
Afghanistan leader
pour la 33e année consécutive : 2,6 millions de réfugiés
Syrie est en
passe de doubler ce record :
2,5 millions en 2013
Somalie
compte 1,1 million de réfugiés,
un chiffre stable qui relance l’espoir d’une amélioration de la
situation.
10 plus grands pays de départ :
Soudan : 650 000
Congo RDC : 500 000
Birmanie : 480 000
Irak puis Colombie : 400 000
Vietnam puis Erythrée : 315 000
Centrafrique : 250 000
Chine : 195 000
Mali : 150 000
Reste du monde : 1,6 millions
|
Pakistan,
Iran, Liban
à 86% des
réfugiés ont atterri dans des pays dits en développement
Pakistan 1e
pays-hôte numériquement :
1,6 million de réfugiés surtout afghans.
Liban 1e
pays-hôte par rapport à la taille de sa population : 857 000
réfugiés
¼ habitants réfugiés,
surtout des Palestiniens depuis 1948 et des Syriens depuis que la guerre
civile a éclatée en 2011.
10 plus grands pays hôtes :
Jordanie : 640 000
Turquie : 610 000
Kenya : 535 000
Tchad puis Ethiopie : 430 000
Chine : 300 000
Etats-Unis : 260 000
(…) France : 230 000
(…) All : 188 000 (…) Royaume-Uni : 125 000
Reste du monde : 1, 6 millions
|
Selon les
estimations l’UNHCR pour 2013(Agence des Nations Unies pour les réfugiés)
Nina J.