L’actualité de cette fin d’année 2014
aura eu pour invité VIP une ancienne et prometteuse amie : la Chine. Entre
accords économiques, projets géostratégiques, politiques climatiques et débats
démocratiques, la nouvelle première puissance économique mondiale est sur tous
les fronts. Revenons sur les points forts de l’actualité de ce pays qui promet
encore bien des surprises.
La Chine, première
puissance économique mondiale ?
Curieusement, la nouvelle n’a pas fait grand bruit lorsque
le Fond Monétaire International a publié
en octobre ses chiffres pour l’année 2014. C’est début décembre que l’information
a marqué les esprits, la Chine est désormais la première puissance
économique du monde. Elle vole la vedette aux Etats-Unis qui avait détrôné la
Grande-Bretagne en 1872. Effectivement, la Chine représente 16,5% du l’économie
mondiale contre 16,3% pour la puissance américaine. Le FMI a aligné ses calculs
sur l’indice « parité pouvoir d’achat », c'est-à-dire que la Chine
peut se procurer la même quantité (et plus !) de biens et services que les Etats-Unis même
si le cours de sa monnaie est moins élevé. * La Chine affiche aujourd’hui un
PIB de 17 632 milliards de dollars, l’année dernière elle revendiquait
déjà un certain leadership en terme de commerce mondial avec plus de 4000
milliards de dollars d’échanges en 2013 et 12,1% des exportations mondiales.
Pourtant, le pays a encore du retard concernant le PIB par habitant, il est au
89ème rang mondial, du fait de sa population abondante et du niveau
de vie très bas. D’autre part la
décélération de l’économie chinoise se confirme, les indicateurs de la
production industrielle et de l’immobilier étant toujours en croissance mais de
façon moins rapide. Pourtant, pas de quoi inquiéter les dirigeants chinois qui
préfèrent accorder la priorité à la qualité de la croissance plutôt qu’à son
rythme effréné, caractéristique des dix dernières années. Pour cela ils
comptent sur les investissements directs à l’étranger notamment. A titre d’exemple, on retient la bataille
pour le rachat de Club Med par le milliardaire chinois Guo Guangchang à la tête
du groupe Fosun ou encore le rapprochement entre le groupe hôtelier Accor avec
le groupe Huazhu. Selon Sébastien Bazin, le
PDG d’Accor, ce rapprochement avec Huazhu « est la reconnaissance que les quatre groupes
hôteliers chinois, qui n’existaient pas il y a dix ans, sont aujourd’hui les
quatre premiers sur les secteurs du bas et du milieu de gamme en Chine ».La Chine affirme donc sa stratégie de montée en gamme. Malgré son
léger ralentissement, l’évolution de sa croissance va sûrement continuer à
marquer les esprits !
Un nouvel équilibre bipolaire en Asie-Pacifique
Par ailleurs, Xi Jinping, le
président de la République populaire de Chine, a affirmé sa volonté de faire de
la Chine plus qu’une puissance économique, un acteur majeur de la géopolitique
en Asie et, à terme, dans le monde. Pour cela, la Chine lance l’idée d’une
nouvelle zone de libre-échange en Asie du Sud-Est afin de contrer l’influence
américaine. Au sommet de l’Apec (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique)
en novembre dernier, Xi Jinping a dévoilé son vaste projet régional économique
et diplomatique dans lequel la Chine tiendra la place centrale faisant
concurrence à l’Accord de partenariat transpacifique (PTP) négocié dans la région par les
Etats-Unis. Elle développe aussi une nouvelle liaison ferroviaire, la
« nouvelle route de la soie » entre Duisbourg, en Allemagne, et
Chongqing en Chine. Cette référence au passé glorieux de l’Empire du milieu et
des ses excellentes relations avec l’Europe depuis le IIè siècle avant J.C,
illustre parfaitement la volonté diplomatique de la nouvelle Chine : une
stratégie double de rapprochement, l’une en direction de l’Occident et l’autre
vers l’Orient. Ainsi, alors que le président chinois a rencontré cinq fois
Vladimir Poutine au cours de l’année, il a entretenu avec Barack Obama des
relations beaucoup plus froides. II faut
cependant retenir l’accord sur le climat conclu simultanément par les
Etats-Unis et la Chine début novembre et qui engage cette dernière à diminuer
ses émissions de gaz polluants à partir de 2030 mais apparaît en réalité être
une bien faible avancée…
Une puissance encore loin d’être exemplaire
Toutefois, si elle veut réellement s’affirmer
en tant que leader, la Chine doit encore soigner son image. En effet, le pays
reste ancré dans une tradition éloignée de notre archétype démocratique. La façon
dont ont été calmées les manifestations à Hong Kong en est la preuve. Cette
ancienne colonie britannique, rétrocédée à la Chine depuis dix-sept ans, conserve
un statut spécial avec une justice indépendante et une plus grande liberté d’expression
qu’en Chine continentale. Pourtant, depuis septembre, des mouvements pro démocratiques,
conduits par des étudiants, ont vu le jour dans trois lieux symbolique de la
ville. Les manifestants réclament le suffrage universel, le changement de mode
de scrutin ainsi que le départ du chef de l’exécutif hongkongais. Ainsi, la
situation illustre bien le paradoxe entre une Chine moderne, ouverte au monde
et la ligne dure que conserve le gouvernement de Xi Jinping pour sa politique
intérieure. Fin novembre les
campements des jeunes protestataires ont été évacués de force, donnant lieu à
quelques heurts violents ainsi qu’à des arrestations. Depuis, les mouvements
peinent à s’accorder entre ceux qui, comme 78% de la population, souhaitent
mettre fin aux contestations et ceux qui souhaitent continuer la lutte. Ainsi,
cette « révolution des parapluies » ne s’est soldée que par un
courtois dialogue de sourd. Les autorités centrales chinoises n’ont pas modifié
leur ligne de conduite pour 2017 : le chef de l’exécutif sera élu parmi deux
ou trois candidats désignés par un comité de 1200 grands électeurs, laissant
une voix plus que mineure au peuple hongkongais.
La
Chine, nouveau numéro un économique, au pouvoir géopolitique grandissant doit
donc encore faire face à de nombreux défis si elle veut pouvoir connaitre
durablement elle aussi le statut de superpuissance mondiale, comme ont pu
l’être la Grande-Bretagne et les Etats-Unis le siècle dernier.
Pauline T.
Pauline T.
*Lindice parité pouvoir d'achat (PPA) permet de comparer le
pouvoir d’achat entre pays par rapport à un « panier » de produits.
Par exemple, avec ce calcul, un café à la même valeur en Chine qu’aux
Etats-Unis.