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dimanche 7 décembre 2014

La colère de Ferguson

Depuis l’annonce de la décision de ne pas inculper le policier qui avait tué Michael Brown, un jeune afro-américain, une vague d’émeutes a submergé la ville de Ferguson où a eu lieu l’homicide. Cet embrasement témoigne d’un malaise qui sévit aux Etats-Unis, déjà touché par plusieurs agitations raciales similaires.

Que s’est-il passé à Ferguson ?
Le 9 août, dans cette banlieue de Saint Louis dans le Missouri, Michael Brown un jeune noir de 18 ans a été abattu par Darren Wilson un policier blanc. Lorsqu’il est arrêté, le jeune homme est soupçonné d’avoir participé au cambriolage d’un magasin. Plusieurs versions s’opposent ensuite.  La police assure que Wilson aurait riposté à des attaques violentes du jeune homme qui, bien que non armé, aurait profité de sa carrure imposante pour impressionner l’officier et s’emparer de son arme. Des témoins déclarent pourtant qu’ils auraient vu le jeune homme lever les bras en l’air en signe de reddition. Le corps de Michael Brown a été retrouvé, atteint d’au moins six balles tandis que l’examen médical du policier révélait des atteintes au visage.

Quelle a été la sentence prononcée à l’encontre de Darren Wilson ?
 Après trois mois de délibération par un jury populaire composé de neuf Blancs et trois Noirs, le procureur de Saint Louis a prononcé, le 25 novembre dernier, un non-lieu dans l’affaire. Le magistrat a affirmé qu’il « n’y a pas de doute que l’agent Wilson a causé la mort » mais il ajoute que les jurés « ont déterminé qu’il n’y a pas de raison suffisante d’intenter des poursuites contre l’officier Wilson ». L’annonce de la décision du grand jury a immédiatement donné lieu à de violentes échauffourées (manifestations, incendies et pillages) à Ferguson tandis que le gouverneur du Missouri décrétait l’état d’urgence dans la ville et y déployait la garde nationale. Barack Obama et son ministre de la Justice, Eric Holder, sont également intervenus publiquement pour réclamer le calme

Que révèle cette affaire ?
Depuis le 25 novembre, l’escalade de la violence n’a pas cessé. Le mouvement s’est étendu à d’autres villes où des milliers d’américains sont descendus dans la rue, scandant les slogans  « No justice, no peace ! » (Pas de justice, pas de paix) ou encore « Black lifes matter ! » (Les vies noires comptent). Les tensions raciales atteignent avec ce drame leur paroxysme alors que les Etats-Unis ont déjà vécu plusieurs cas similaires. En 2012, la mort de Trayvon Martin, noir de 17 ans, tué par un policier avait déjà suscité l’émoi et l’indignation n’a cessé de monter depuis, contre la discrimination raciale encore bien trop présente outre-Atlantique.

Selon le maire démocrate de New-York, Bill de Blasio, les récentes bavures policières prennent leurs racines dans « des siècles de racisme » parmi les américains. « Le problème est systémique et nous devons parler franchement des dynamiques raciales de notre histoire ». En effet, « les jeunes hommes noirs tués par la police sont 21 fois plus nombreux que les jeunes hommes blancs, selon une étude du site d'investigation ProPublica. »* Par ailleurs, le taux de chômage atteint le double de celui des Blancs : 13,4% contre 6,7% en 2013, selon l'institut Pew Research. Ces écarts n'ont quasiment pas varié en 60 ans, et ce particulièrement dans la ville de Ferguson, foyer de tension depuis le mois d’août. Comme beaucoup d'autres villes américaines du Nord-est et du Midwest industriel, Ferguson est caractérisée par le "white flight" (la fuite des Blancs), explique Pap Ndiaye, professeur d’histoire nord-américaine à Sciences Po. La ville comptait 85% de Blancs en 1980, aujourd'hui, 67% sont Afro-Américains. Pourtant cette mutation démographique ne s’est pas accompagnée d’un changement dans les structures politiques, y compris dans la police. De plus, la crise a creusé l’inégalité, la paupérisation touchant d’abord les tranches basses de la population Noire.

Pour vous rendre compte de cette réalité, voici encore quelques  données significatives: http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/05/les-inegalites-raciales-persistent-aux-etats-unis_4535561_4355770.html

Même si ces inégalités ne peuvent pas expliquer toutes les tensions, l’inaction du gouvernement d’Obama n’arrange rien. Autre scandale, une scène filmée par un témoin d’homme noir Eric Garner, accusé de vente de cigarettes de contrebande, immobilisé au sol par un policier alors qu’il prononce ses derniers mots : « I can’t breathe. I can’t breathe. » (Je ne peux pas respirer). On apprenait  encore samedi 6 décembre, la convocation d’un grand jury après la mort de Akai Gurley, un Noir de 28 ans abattu par un policier de New York. Ainsi, la violence de Ferguson révèle bel et bien un malaise qui paralyse de plus en plus la société américaine dans son ensemble.  


*Chiffres extrait de l’article «Noirs contre Blancs : les chiffres de la discrimination aux Etats-Unis », publié sur le Monde. Fr par Catherine Gouëset 

Pauline T. et Nina J.

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