Depuis l’annonce de la décision
de ne pas inculper le policier qui avait tué Michael Brown, un jeune
afro-américain, une vague d’émeutes a submergé la ville de Ferguson où a eu
lieu l’homicide. Cet embrasement témoigne d’un malaise qui sévit aux
Etats-Unis, déjà touché par plusieurs agitations raciales similaires.
Que s’est-il passé à Ferguson ?
Le 9 août, dans cette banlieue de
Saint Louis dans le Missouri, Michael Brown un jeune noir de 18 ans a été
abattu par Darren Wilson un policier blanc. Lorsqu’il est arrêté, le jeune
homme est soupçonné d’avoir participé au cambriolage d’un magasin. Plusieurs
versions s’opposent ensuite. La police
assure que Wilson aurait riposté à des attaques violentes du jeune homme qui,
bien que non armé, aurait profité de sa carrure imposante pour impressionner
l’officier et s’emparer de son arme. Des témoins déclarent pourtant qu’ils
auraient vu le jeune homme lever les bras en l’air en signe de reddition. Le
corps de Michael Brown a été retrouvé, atteint d’au moins six balles tandis que
l’examen médical du policier révélait des atteintes au visage.
Quelle a été la sentence prononcée à l’encontre de Darren Wilson ?
Après trois mois de délibération par un jury
populaire composé de neuf Blancs et trois Noirs, le procureur de Saint Louis a
prononcé, le 25 novembre dernier, un non-lieu dans l’affaire. Le magistrat a
affirmé qu’il « n’y a pas de doute que l’agent Wilson a causé la
mort » mais il ajoute que les jurés « ont déterminé qu’il n’y a pas
de raison suffisante d’intenter des poursuites contre l’officier Wilson ».
L’annonce de la décision du grand jury a immédiatement donné lieu à de
violentes échauffourées (manifestations, incendies et pillages) à Ferguson
tandis que le gouverneur du Missouri décrétait l’état d’urgence dans la ville
et y déployait la garde nationale. Barack Obama et son ministre de la Justice,
Eric Holder, sont également intervenus publiquement pour réclamer le calme
Que révèle cette affaire ?
Depuis le 25 novembre, l’escalade
de la violence n’a pas cessé. Le mouvement s’est étendu à d’autres villes où
des milliers d’américains sont descendus dans la rue, scandant les slogans « No justice, no peace ! » (Pas
de justice, pas de paix) ou encore « Black lifes matter ! » (Les
vies noires comptent). Les tensions raciales atteignent avec ce drame leur paroxysme
alors que les Etats-Unis ont déjà vécu plusieurs cas similaires. En 2012, la
mort de Trayvon Martin, noir de 17 ans, tué par un policier avait déjà suscité
l’émoi et l’indignation n’a cessé de monter depuis, contre la discrimination
raciale encore bien trop présente outre-Atlantique.
Selon le maire démocrate de
New-York, Bill de Blasio, les récentes bavures policières prennent leurs
racines dans « des siècles de racisme » parmi les américains.
« Le problème est systémique et nous devons parler franchement des
dynamiques raciales de notre histoire ». En effet, « les jeunes hommes noirs tués par la police sont 21 fois plus nombreux que les jeunes hommes
blancs, selon une étude du site d'investigation ProPublica. »* Par ailleurs, le
taux de chômage atteint le double de celui des Blancs : 13,4% contre 6,7% en 2013,
selon l'institut Pew Research. Ces écarts n'ont
quasiment pas varié en 60 ans, et ce particulièrement dans la ville de Ferguson,
foyer de tension depuis le mois d’août. Comme beaucoup d'autres villes américaines
du Nord-est et du Midwest industriel, Ferguson est caractérisée par le "white flight" (la fuite des
Blancs), explique Pap Ndiaye, professeur
d’histoire nord-américaine à Sciences Po. La ville comptait 85% de Blancs en 1980, aujourd'hui,
67% sont Afro-Américains. Pourtant cette
mutation démographique ne s’est pas accompagnée d’un changement dans les
structures politiques, y compris dans la police. De plus, la crise a creusé
l’inégalité, la paupérisation touchant d’abord les tranches basses de la
population Noire.
Pour vous rendre compte de cette
réalité, voici encore quelques données
significatives: http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/05/les-inegalites-raciales-persistent-aux-etats-unis_4535561_4355770.html
Même si ces inégalités ne peuvent pas
expliquer toutes les tensions, l’inaction du gouvernement d’Obama n’arrange
rien. Autre scandale, une scène filmée par un témoin d’homme noir Eric Garner,
accusé de vente de cigarettes de contrebande, immobilisé au sol par un policier
alors qu’il prononce ses derniers mots : « I can’t breathe. I can’t
breathe. » (Je ne peux pas respirer). On apprenait encore samedi 6 décembre, la convocation d’un
grand jury après la mort de Akai Gurley, un Noir de 28 ans abattu par un
policier de New York. Ainsi, la violence de Ferguson révèle bel et bien un
malaise qui paralyse de plus en plus la société américaine dans son ensemble.
*Chiffres extrait de l’article «Noirs contre Blancs : les chiffres
de la discrimination aux Etats-Unis », publié sur le Monde. Fr par
Catherine Gouëset
Pauline T. et Nina J.
Pauline T. et Nina J.
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